GVC 14-18

Le service de la garde des voies de communication en France pendant la Première Guerre mondiale

DANS LE PORTE-MONNAIE EN 14 18

Partie I : les centimes en bronze



    Quel argent utilisait-on en France entre 1914 et 1918 ? Quelles pièces, quels billets composaient la monnaie ayant cours légal ? Bref : qu'y avait-il dans le porte-monnaie de nos ancêtres, civils ou militaires, pendant la Grande Guerre ?
 

    Le décret du 18 germinal an III (7 avril 1795), relatif aux poids et aux mesures, a institué le système métrique décimal, avec le franc comme unité monétaire ; puis le décret du 28 thermidor an III (15 août 1795) porte le franc à un poids de cinq grammes au titre de 9 dixièmes d'argent fin ; ce franc, connu aujourd'hui sous la dénomination de "franc Germinal", perdurera avec ses caractéristiques jusqu'en 1928, année durant laquelle la convertibilité en or du franc sera dévaluée au cinquième de sa valeur, par loi monétaire du 25 juin1, signée par le Ministre des Finances du nom de ... Raymond Poincaré, ce qui fait désigner aujourd'hui le franc définit par cette loi monétaire de 1928 de : "franc Poincaré".

    Le "franc Germinal", plus que centenaire, est la monnaie de la France de 1795 à 1928, donc pendant toute la durée de la Grande Guerre.


    La très grande majorité des français avait des revenus très modestes à l'aube de la Grande Guerre, ne gagnant pour la plupart que quelques francs par jour, les pièces de plus petites valeurs devaient donc être les plus courantes et les plus circulantes, c'est pourquoi cette série d'articles commence par les plus petites pièces : les centimes en bronze.



    C'est la Loi sur la refonte des monnaies de cuivre2, du 6 mai 1852, qui prévoit le retrait et la démonétisation des pièces alors encore en usage : de un liard et deux liards, d'un sou et de deux sous, puis de un centime et cinq et dix centimes. Ces pièces sont définitivement démonétisées pour certaines le 1er juillet 1856 pour d'autres le 1er octobre 1856 selon Décret impérial du 12 mars 18562 .

    La loi du 6 mai 1852 crée, à la place des anciennes pièces, une nouvelle série, de pièces de un, deux, cinq et dix centimes ayant les caractéristiques suivantes :

valeur
 1 centime
2 centimes
5 centimes
10 centimes
masse
1 gramme
2 grammes
5 grammes
10 grammes
diamètre
15 mm
20 mm
25 mm
30 mm
tranche
lisse
matière
bronze composé de 95 centièmes de cuivre, 4 d'étain, 1 de zinc


Les pièces du type Napoléon III tête nue


    Selon le texte initial du 6 mai 1852 ces pièces auraient dû porter sur la face l'effigie du prince président de la République, avec la légende "LOUIS-NAPOLEON BONAPARTE" , et au revers l'indication de la valeur de la pièce et l'année de sa fabrication ; pour mémoire Louis-Napoléon BONAPARTE a été élu président en 1848 sous la seconde République, et a prolongé son mandat, alors non reconductible, de façon anticonstitutionnelle, par le coup d'Etat du 2 décembre 1851.

    Cependant avant la fin de l'année 1852 intervient la création du second Empire. Par Décret impérial relatif aux monnaies du 2 décembre 18522 , les nouvelles pièces porteront finalement d'un côté l'effigie de l'empereur avec la légende "NAPOLEON III EMPEREUR" et de l'autre la mention "EMPIRE FRANCAIS" .

valeur
  1 centime  
  2 centimes  
  5 centimes  
   10 centimes  
illustration des 2 faces

millésimes existants4
1853 à 1857
1853 à 1857
1853 à 1857
1852 à 1857
quantité fabriquée4
66 848 100
58 030 892
414 048 131
258 813 784
retrait
01/01/1941
01/02/1935
démonétisation
16/01/1941
01/03/1935



Les pièces du type Napoléon III tête laurée

    Par décision du Ministre des Finances du 31 octobre 1860 une modification du type est adoptée avec l'effigie de Napoléon III désormais ceinte d'une couronne de lauriers3 .
   
valeur
  1 centime  
  2 centimes  
  5 centimes  
   10 centimes  
illustration des 2 faces

millésimes existants
1861-1862-1870

1861-1862
1861 à 1865
1861 à 1865
1868
quantité fabriquée
40 892 792
33 798 878
89 826 350
52 060 108
retrait
01/01/1941
01/02/1935
démonétisation
16/01/1941
01/03/1935



Les pièces du type Cérès

    Trois jours après la proclamation de la troisième République, par décision ministérielle du 7 septembre 1870, il est ordonné de frapper les nouvelles monnaies au type de la République3. On réutilise à cet effet un visuel de buste de la République coiffé d'épis (dit du type Cérès) qui avait déjà été utilisé sur des monnaies d'argent de la seconde République.

    Nous sommes toutefois en pleine guerre de 1870 / 1871, la loi autorisant la nouvelle émission de monnaie de bronze n'est datée que du 2 août 18722, elle valide pour les pièces les diamètres , masse et matière adoptés en 1852, et ne démonétise pas les pièces du second Empire qui continuent donc également à avoir cours légal et ne sont ni retirées ni démonétisées.

valeur
  1 centime  
  2 centimes  
  5 centimes  
   10 centimes  
illustration des 2 faces

millésimes existants
1872-1874-1875
1877 à 1879
1882
1884 à 1897
1877 à 1879
1882 à 1897
1871 à 1894
1896 à 1898
1870 à 1898
quantité fabriquée
23 807 950
9 953 000
73 768 693
50 257 514
retrait
01/01/1941
01/02/1935
démonétisation
16/01/1941
01/03/1935

 

Les pièces du type Daniel Dupuis

     En décembre 1895 des graveurs sont chargés de réaliser de nouvelles empruntes propres à la troisième République3 . Le graveur Daniel Dupuis grave les nouveaux modèles pour les futures émissions de pièces en bronze, par ailleurs conservant les caractéristiques des précédentes qui elles mêmes restent utilisées :

valeur
  1 centime  
  2 centimes  
     5 centimes     
     10 centimes  
illustration des 2 faces

millésimes existants
1898 à 1904
1908 à 1914
1916-1919-1920
1898 à 1904
1907 à 1914
1916-1919-1920
1897 à 1917
1920-1921
1897 à 1917
1920-1921
quantité émise
30 967 371
dont 25 966 990 avant 1919
dont 22 971 290 avant 1914
23 475 802
dont 21 975 802 avant 1919
dont 19 475 802 avant 1914
211 630 899
dont 203 478 561
avant 1919
dont 131 952 219
avant 1914
122 071 257
dont 116 056 211 avant 1919
dont 71 303 000 avant 1914
retrait
01/01/1941
01/02/1935
démonétisation
16/01/1941
01/03/1935

   

Quantités

    Au vu des quantités fabriquées mentionnées dans les tableaux ci-dessus, il apparaît que les quantités fabriquées des deux types à l'effigie de Napoléon III sont bien supérieures à celles des deux types de la troisième République. Ces anciennes pièces émises sous le second Empire devaient donc être encore très présentes dans les paiements en espèces entre 1914 et 1918.

    Tous types confondus ces monnaies de bronze fabriquées depuis la loi du 6 mai 1852, jusqu'au 31 décembre 19135 , représentent une valeur monétaire légale de 82 825 659 francs et 39 centimes , dont :

  • 43 335 009 fr. 90 c. en pièces de 10 centimes soit 433 350 099 pièces
  • 35 518 119 fr. 10 c. en pièces de 5 centimes  soit 710 362 382 pièces
  •   2 427 222 fr. 56 c. en pièces de 2 centimes  soit 121 361 128 pièces
  •   1 546 307 fr. 83 c. en pièces de 1 centime   soit 154 630 783 pièces
    Les quantités de pièces de 5 centimes, puis de 10 centimes, en circulation, sont clairement très supérieures aux quantités de pièces de 1 et 2 centimes.


Cours Légal

    Selon l'article 6 de la Loi du 6 mai 18522 , ces types de pièces de bronze ne sont qu'une monnaie d'appoint, qui, suivant le décret du 18 août 1810, ne peut être employée dans les paiements, si ce n'est de gré à gré, que pour l'appoint de la pièce de 5 francs, c'est à dire pour un paiement maximum de 4 francs 99 centimes.
   

    Une alliance monétaire, dite Union Latine, a été conclue le 23 décembre 1863, entre la France et d'autres Etats. Elle existe toujours pendant la Grande Guerre (dissoute officiellement le 1er janvier 1927). Elle établit des équivalences entre des monnaies d'or et d'argent de chacun des pays unis , et autorise l'usage et la circulation de ces monnaies dans les autres pays de l'Union.

    Ces dispositions ne concernent pas les centimes de bronze, pour lesquels seules les pièces françaises sont autorisées en circulation en France. Les monnaies étrangères de billon (cuivre, bronze, nickel) sont prohibées à l'importation et, quelle que soit leur nationalité, rigoureusement refusées dans les caisses publiques ; la mise en circulation de ces pièces constitue même un délit selon la loi du 30 novembre 18962 .


Retrait et démonétisation

   

    Le remplacement des pièces de bronze de 5 et 10 centimes, par de nouvelles pièces perforées en nickel de 5 , 10 et 25 centimes, est prévu dès la loi du 4 août 19132 , les nouvelles pièces commenceront effectivement à être fabriquées pendant la Grande Guerre.

    Cependant, le décret de retrait des pièces de 5 et 10 centimes de bronze interviendra beaucoup plus tardivement, seulement le 31 octobre 19342 . Il fixe au 1er février 1935 la date de retrait à partir de laquelle ces pièces cessent d'avoir cours entre les particuliers et ne peuvent plus êtres acceptées en paiement dans les caisses publiques. Elles peuvent êtres échangées auprès du Trésor Public jusqu'au 28 février 1935 inclus, leur démonétisation définitive est donc effective au 1er mars 1935.


    Pour les pièces de bronze de 1 et 2 centimes, c'est une loi du 24 novembre 19402 , qui prévoit le retrait au 1er janver 1941, et la démonétisation au 16 janvier 1941.


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Notes


1.  Texte intégral de cette loi disponible à partir de la page 201 du document mis en ligne par la Banque de France et accessible par ce lien

2.  Texte intégral disponible sur Gallica dans la Collection complète des lois, décrets, ordonnances, réglements, et avis du Conseil d'Etat / J. B. Duvergier (Paris de 1824 à 1949) :

3.  Voir Traité de numismatique moderne et contemporaine. 2e partie, Epoque contemporaine (XVIIIe-XIXe siècles) par Arthur Engel et Raymond Serrure, Editeur : Ernest LEROUX Paris 1899 ; disponible sur Gallica
  • page 625 : adoption du type Napoléon III à tête laurée
  • page 627 : premières émissions sous la troisième République
  • page 629 : gravure de nouveaux modèles propres à la troisième République

4.  Pour les millésimes existants et les quantités fabriquées de chaque pièce, voir l'ouvrage : LE FRANC POCHE - Editions les Chevaux-Légers - 2017

5.
Source : Annuaire du Commerce Didot-Bottin - Paris 1921  page 1901 disponible sur Gallica