GVC 14-18

Le service de la garde des voies de communication en France pendant la Première Guerre mondiale

            31 juillet  1er août 1914           

LA MOBILISATION DES GVC

Les gardes des voies de communication (GVC) : les premiers mobilisés ?



La pancarte d'identification de ce poste de GVC d'Andilly affiche fièrement : "Les premiers mobilisés  1er août 1914".

Ces hommes vêtus d'effets marqués du 21ème régiment d'infanterie de Langres ont-ils vraiment été mobilisés dès le 1er août ?

Il est peu probable que la photographie date du 1er août, elle a pu être prise dans les jours suivants, d'ailleurs la zone de l'indication du 1er semble avoir été effacée et la date ré-inscrite, peut-être une vue avec la date réelle du jour du passage du photographe, et une seconde, celle-ci, sur laquelle ces GVC ont tenu à signaler cette date spécifique, pourquoi ?

    Cette célèbre affiche de l'ordre de mobilisation générale1 est placardée dans toutes les communes de France le samedi 1er août 1914 seulement en fin d'après midi, en effet le Ministre de la Guerre fait remettre à 15 heures 55 au bureau central des postes et télégraphes, rue de Grenelle à Paris, le télégramme portant ordre de mobilisation générale et précision de la fixation du premier jour de la mobilisation au 2 août 19142.

    Cette affiche précise deux éléments essentiels :

Le fascicule de mobilisation des GVC

    Tout Français soumis aux obligations militaires est en possession d'un livret individuel à son nom, reçu lors de son service militaire, ce livret comporte un fascicule de mobilisation, carton de 4 pages au format du livret fixé au début de celui-ci à l'aide de deux attaches parisiennes, ce fascicule donne à l'homme toutes les indications sur ce qu'il doit faire en cas de mobilisation.

    A la fin de son service militaire, l'homme est d'abord mobilisable dans l'armée d'active, puis son âge avançant, il est ensuite mobilisable dans la réserve de l'armée d'active, puis dans l'armée territoriale, enfin dans la réserve de l'armée territoriale ; à chacun de ces stades et à chaque changement d'affectation éventuel, le bureau de recrutement dont dépend cet homme lui établira un nouveau fascicule de mobilisation, lui indiquant sa nouvelle affectation en cas de mobilisation, et l'adressera à la gendarmerie la plus proche du domicile de l'homme, le fascicule de mobilisation, tenu par les attaches parisiennes dans le livret  individuel est facilement échangé par les gendarmes, ceux-ci retourneront au bureau de recrutement l'ancien fascicule retiré du livret.

    Les GVC sont désignés dès le temps de paix, normalement parmi les hommes de la réserve de l'armée territoriale, quand l'un d'eux est affecté au service de la garde des voies de communication, il reçoit un fascicule de mobilisation mentionnant cette affectation.

    Comme tous les hommes mobilisables, chaque GVC dispose donc d'un livret avec son fascicule de mobilisation, ce fascicule pour les GVC est du modèle S 1. blanc rayé vert.

    L'instruction générale de 1910 sur le service de garde des voies de communication3 précise en son article 10, les mentions à inscrire sur ce fascicule de mobilisation pour les GVC :

"   Les livrets individuels des hommes et les ordres de mobilisation individuels des officiers portent un ordre de route leur prescrivant de se rendre à leur poste, immédiatement et sans délai, dès que l'ordre en est donné, ou en cas de mobilisation."

     Voici la couverture du livret individuel et la première page du fascicule de mobilisation d'Etienne CHARBONNIER, domicilié à Paris, département de la Seine, cette page -1- précise des éléments d'identification : nom, prénom, domiciliation (adresse, canton, département), sa classe de recrutement, et sa classe (ici 1890 dans les deux cas), son numéro matricule ; elle comporte également son affectation militaire en cas de mobilisation, ici de manière très précise : Gouvernement Militaire de Paris - Armée territoriale - Service de garde des voies de communication - Secteur A section B groupe 1 poste 5 à Aubervilliers :



    Les informations sur la conduite à tenir en cas de mobilisation sont consignées sur l'ordre de route en page 3 : dès affichage de l'ordre de mobilisation, il est indiqué que le soldat CHARBONNIER doit se rendre le premier jour de la mobilisation, soit le 2 août 1914, sans délai et d'extrême urgence à la gare d'Aubervilliers / La Courneuve, il doit se mettre en route sans attendre aucune notification individuelle.

    En page 2 un avis lui précise qu'il peut prendre le train gratuitement si besoin s'il ne se trouve pas à son domicile au moment de la mobilisation, la consigne est toujours la même : il doit se présenter pour prendre le train à la gare la plus proche de là où il se trouve, sans délai et d'extrême urgence le premier jour de la mobilisation, soit le 2 août, pour rejoindre ensuite directement la gare d'Aubervilliers / La Courneuve.



Le soldat CHARBONNIER a t'il donc rejoint son poste le 2 août ?


Et bien non, il a rejoint son poste dès le 1er août 1914.

En effet à la rubrique incorporations et immatriculations successives son livret individuel atteste :

"a accompli une période de mobilisation du 1 août au 16 décembre 1914 au S.G.V.C. secteur A, renvoyé dans ses foyers le 16 décembre 1914"
    Etienne CHARBONNIER a-t'il été convoqué avant l'affichage de l'ordre de mobilisation générale ?

La convocation des GVC en vue de la mobilisation générale

    L'instruction générale de 1910 sur le service de garde des voies de communication3 prévoit, en son article 17, deux modes de convocation pour la mise en place du service de garde des voies de communication :

"    Le service de garde des voies de communication commence simultanément pour tous les points où il doit s'appliquer, soit sur un ordre spécial du Ministre, soit d'office, au reçu de l'ordre de mobilisation. Dans le premier cas, les officiers et les hommes sont appelés par ordre de convocation individuel ; ces ordres de convocation préparés, dès le temps de paix, portent que les intéressés sont convoqués immédiatement et sans délai".
    Ils se réunissent sur l'emplacement assigné au poste auquel ils appartiennent et, pour les postes de voies ferrées, à la gare la plus voisine de cet emplacement."

et en article 2 de son ANNEXE N°1 qui a pour titre "Mesure à prendre pour assurer, pendant les périodes de tension politique, la garde des voies de communication" :

"    Le service de garde des voies de communication peut être mis en vigueur sur un ordre spécial du Ministre.
    Il s'exécute dans les mêmes conditions que les exercices d'ensemble du temps de paix d'une durée supérieure à vingt-quatre heures, mais les munitions, la totalité des pétards, sifflets, etc., sont distribuées. Toutes les mesures du temps de guerre sont prises.
    Les hommes ne sont renvoyés que sur l'ordre du Ministre."

    Le service de la garde des voies de communication avait pour but d'assurer la garde et la protection de ces voies dès les opérations de mobilisation, génératrices de très nombreux mouvements sur ces voies, il était donc prévu la possibilité de le mettre en place avant la publication de l'ordre de mobilisation générale, sur ordre spécial du Ministre, entraînant l'envoi d'un ordre de convocation individuel à chaque GVC, comme pour les convocations à des exercices d'ensemble du service.

    Les mesures à prendre en cas de tension politique, sont aussi prévues dans les annexes 2 et 2 bis à l'Instruction sur la préparation de la mobilisation du 15 février 1909, mise à jour le 4 avril 19142, l'annexe 2 réunit en six groupes (désignés de A à F) les mesures à prescrire, au groupe E sont prévues des mesures préparatoires aux opérations incluant la convocation, pour une période d'exercices anticipée, des territoriaux gardes des voies de communications.

    L'assassinat de l'archiduc François-Ferdinand, héritier de l'Empire Austro-Hongrois, et de son épouse, à Sarajevo, par un nationaliste Serbe de Bosnie, le dimanche 28 juin 1914, est suivi de tensions entre Etats qui vont culminer avec le déclenchement de la guerre, l'une des premières manifestations concrètes de la crise est la rupture des relations diplomatiques entre l'Empire Austro-Hongrois et la Serbie le 25 juillet 1914, entraînant à partir de cette date la mise en oeuvre en France, des dispositions prévues par les instructions ci-dessus, avant la diffusion de l'ordre de mobilisation générale2 :
  • 25 juillet : ordre de rapatriement de trois bataillons de tirailleurs en surnombre au Maroc - rappel à leur poste des officiers généraux et des chefs de corps absents de leurs garnisons - aucune nouvelle permission ne doit plus être accordée sauf en cas de force majeure
  • 26 juillet : ordre de surseoir aux déplacements de troupes projetés - suspension des autorisations d'absence pour les officiers de troupe - rappel des officiers en permission - avis préalable aux compagnies de chemins de fer aux dispositions à prendre dans l'éventualité d'une mobilisation - ordre de rapatriement par voie de fer ou par voie de terre des troupes de couverture absentes de leur garnison (notamment les éléments détachés aux camps de Châlons et du Valdahon) - mise sous silence de la presse au sujet de ces préparatifs militaires - mise sous surveillance de certains établissements publics dans la zone du gouvernement militaire de Paris - prise du dispositif restreint de sécurité réduit à la participation de l'élément civil.
  • 27 juillet : application complète du dispositif de sécurité avec l'élément militaire - rappel des permissionnaires du gouvernement militaire de Paris et des corps d'armée frontières - au sein du gouvernement militaire de Lyon, les bataillons actuellement en manoeuvre de montagne sont placés à proximité des voies ferrées sans toutefois être ramenés dans leur garnison - le 21e corps d'armée sursoit aux travaux préparatoires aux manoeuvres de forteresse projetées sur son territoire - maintien en Algérie et Tunisie des militaires désignés pour la relève des libérables du Maroc.
  • 28 juillet : rappel des permissionnaires des corps d'armée de l'intérieur - renvoi vers leurs garnisons respectives des troupes de l'intérieur en déplacement et dont le rapatriement doit s'effectuer par voie de terre, ordre d'embarquement aux troupes de l'intérieur dont le rapatriement est prévu par voie ferrée - les brigades de gendarmerie sont invitées à faire rejoindre sans délai les permissionnaires qui n'auraient pas été touchés par un ordre de leur chef de corps - déclaration de guerre de l'Autriche-Hongrie à la Serbie - ordre d'assurer la surveillance de la frontière - mesures de protection concernant la garde des établissements civils au sein du gouvernement militaire de Paris - établissement d'un service télégraphique permanent de jour et de nuit dans tous les bureaux des Postes et Télégraphes des départements situés entre ceux de l'Ardenne et du Doubs ainsi que ceux du territoire de Belfort.
  • 29 juillet : garde des ouvrages fortifiés, des établissements militaires et des postes de T.S.F. - ordre d'exécuter les travaux de défense dans les places - les postes de Maubeuge, Verdun, Toul, Epinal, Belfort doivent assurer en permanence le service d'écoute - maintien en France des permissionnaires des troupes du Maroc qui seront, en cas de mobilisation, affectés à des unités de la métropole.
  • 30 juillet : les corps de couverture du Nord-Est sont autorisés à acheter ou louer les animaux nécessaires aux unités d'infanterie et d'artillerie - convocation dans les régions de corps d'armée, pour une période d'exercice, des maréchaux ferrants de la réserve et de la territoriale qui ne sont pas affectés aux commissions de réquisition des chevaux - convocation des présidents de commissions de réquisition - ordre aux maires d'aviser discrètement les propriétaires de se tenir prêts à conduire les animaux et les voitures classés dans les centres désignés, dès que l'ordre en sera donné -convocation pour une période d'exercices anticipés des gendarmes réservistes et territoriaux - ordre aux officiers détachés en stage dans d'autres armes de rejoindre leur corps d'affectation - décision de mise en place partielle de la couverture sans appel de réserviste : les troupes de couverture faisant mouvement par voie de terre gagneront leurs emplacements de combat en restant à 10 kilomètres en deçà de la frontière - les troupes de couverture faisant mouvement par voie ferrée doivent être tenues prêtes à embarquer - mise en état de défense des quatre grandes place du Nord-Est - préparation au rapatriement de troupes du Maroc par ordre de diriger sept bataillons de chasseurs, de zouaves, ou de coloniaux, sur les ports de Casablanca et d'Oran.
  • 31 juillet : ordre de départ des troupes de couverture - interdiction de la navigation aérienne - convocation pour un exercice de garde des voies de communication, des réservistes ou territoriaux affectés à ce service (Ministre de la Guerre.  Télégramme 163-3/11 T aux  corps d'armée -sauf 19e et Tunisie- à 18h15 le 31 juillet 1914)2 - réquisition adressée aux compagnies de chemin de fer, en vue de transports militaires - service permanent de plantons aux bureaux télégraphiques établi par la gendarmerie - permanence de jour et de nuit pour le service télégraphique - interruption des lignes électriques d'intérêt privé traversant la frontière allemande, ainsi que des lignes électriques internationales - avis de mobilisation générale en Autriche et en Russie.
  • 1er août : mesures au sujet du retour des troupes du Maroc - mise en place de la surveillance et protection spéciale du littoral (Ministre de la Guerre. Télégramme 185-3/11 T, à 1er, 3e, 10e,  11e, 15e, 16e et 18e corps d'armée, entre 11h30 et 16h le 1er aout 1914) - autorisation d'ouvrir le feu sur les aéronefs ennemis ou suspects - mobilisation générale en Suisse pour protéger sa neutralité - à 15h55 télégramme de l'ordre de mobilisation générale en France.
    Les GVC figurent bien parmi les premiers réservistes et territoriaux convoqués, avant la mobilisation générale en 1914, précédés seulement d'une journée par les maréchaux ferrants, les présidents des commissions de réquisition et les gendarmes réservistes et territoriaux.

Tous les GVC convoqués pour un exercice par ordre du 31 juillet 1914

    Les GVC sont donc tous convoqués avant la mobilisation générale, pour un exercice de garde des voies de convocation, par ordre transmis aux corps d'armée le vendredi 31 juillet à 18h15, dès cet instant les corps d'armée vont devoir faire adresser à chaque GVC son ordre de convocation individuel.

    Cet ordre de convocation est exactement le même que celui adressé lors des périodes d'exercices prévues pour les réservistes et territoriaux en temps de paix, il se compose de deux cartons détachables, chacun au format carte postale de l'époque : l'un blanc libellé "ordre d'appel sous les drapeaux", l'autre rose est un récépissé qui doit normalement être signé, détaché et remis à la poste sans affranchissement.

    L'exemplaire adressé à Jules Félix BOULEAU, domicilié à Angers, nous est parvenu entier sans être détaché :

                                         
recto

     L'ordre d'appel est signé du 1er  août 1914, seule cette date a été ajoutée sur le document suite à réception par le corps d'armée, le 31 juillet au soir après 18h15, de l'ordre de convocation des GVC pour un exercice, le reste du document était complété à l'avance dès le temps de paix, pour permettre l'envoi immédiat en cas de besoin.

     Adressé par le bureau de recrutement d'Angers à l'adresse de Jules BOULEAU dans cette même ville, il porte un tampon de la poste à 9h20 le 1er aout 1914, et a pu donc être distribué ce même jour.

     Le GVC est convoqué immédiatement et sans délai à la gare de la Maitre Ecole à Angers, au service de la garde des voies de communication.

     La fiche du registre matricule de Jules BOULEAU4 confirme qu'il a bien pris son poste de GVC dès le 1er août 1914.

     Cet ordre d'appel a donc bien été distribué le 1er août, peut-être pas en main propre à Jules BOULEAU, car normalement le facteur aurait du lui faire signer le récépissé puis ensuite le détacher et le conserver pour retour au bureau de recrutement d'Angers, et n'aurait du laisser à Jules BOULEAU que la partie blanche. 

     La partie Avis pour la poste précise qu'en cas d'absence du destinataire la poste n'a pas à faire suivre l'ordre mais doit le retourner au bureau de recrutement,  éventuellement annoté de toute information connue sur une  nouvelle adresse ; il ne s'agit donc pas dans ce cas de figure d'une absence physique du destinataire, mais d'une absence de domiciliation de celui-ci à l'adresse indiquée, ce qui semble supposer pour le cas de Jules BOULEAU la remise du courrier en boîte aux lettres ou à un proche présent, en cas d'absence physique de celui-ci au moment du passage du facteur.

     La mention SC-G3-P6 désigne le poste de GVC d'affectation de Jules BOULEAU,  poste N°6 du groupe 3 de la section C de la subdivision d'Angers, ce poste devant en toute logique se trouver à proximité de la gare de la Maître Ecole, ou dans les proches environs, sur une ligne de chemin de fer passant par cette gare.

verso


L'exemple d'Abélard LHERMITTE


note : son nom sur la couverture du livret est écrit avec un seul "t" cependant tous les autres documents comportent le nom écrit avec deux "t" laissant supposer une erreur d'écriture jamais corrigée sur la couverture du livret.




     Avec le livret individuel d'Abélard LHERMITTE de la classe 1888, domicilié à Chamoy dans l'Aube, ont été conservés plusieurs documents illustrant le parcours de ce mobilisé :


     Voici ci-contre une convocation à une période d'exercices  en 1904.

     Abélard LHERMITTE doit se présenter avant midi le 24 octobre 1904 à la caserne à Troyes, pour effectuer une période d'exercices jusqu'au 5 novembre 1904, auprès du 47ème régiment territorial d'infanterie.

     A noter que cette convocation est datée de juillet 1904, date à laquelle elle lui est envoyée, soit environ 3 mois à l'avance par rapport à la date du début de la période d'exercices, ceci pour lui permettre d'organiser sa disponibilité.

     Ce document de 1904 est dans son contenu pré-imprimé, identique à celui reçu par les GVC à l'été 1914, évoqué par l'exemple précédent, les quelques différences de mise en page sont liées à son antériorité de 10 ans par rapport au modèle en usage en 1914, à part ce détail il s'agit bien du même imprimé de convocation à une période d'exercices.
1904





     Voici ce même type d'imprimé de convocation reçu cette fois par Abélard LHERMITTE en 1914 pour rejoindre un poste de GVC :

     Contrairement à l'exemplaire adressé à Jules Félix BOULEAU daté du 1er août 1914 comme nous l'avons vu plus avant, ceui-ci est daté du 31 juillet 1914, soit le soir même de la réception par le corps d'armée du télégramme de convocation des GVC.

    
Comme Jules Félix BOULEAU, Abélard LHERMITTE doit se présenter immédiatement et sans délai au lieu de convocation qui est situé pour lui à la gare de Jeugny, avec une affectation à la garde des voies ferrées, au poste 5 du groupe 3 de la section G.

    
Cette absence de délai pour rejoindre le poste, ainsi que l'absence de mention de la durée de l'exercice ou de date de fin de celui-ci, devait à l'époque aux yeux du convoqué, laisser plâner peu de doutes sur la nature réelle de cette convocation.





1914





      Dans le livret individuel était conservée également cette photographie de GVC, pouvant laisser supposer qu'Abélard LHERMITTE est peut être photographié parmis ces hommes, si oui lequel est-ce ?

     Ils portent des vêtements de collection d'instruction marqués au numéro du 4ème régiment d'infanterie dont un bataillon était caserné à Troyes en 1914, et la photographie porte le tampon d'un photographe "COURTOIS" à Jeugny.

     Cependant si les brassards des hommes portent bien la lettre de la section G et le chiffre du groupe 3, ils ne portent pas le N° du poste 5 mentionné sur le convocation d'Abélard, mais celui du poste 2 bien lisible sur les brassards des hommes assis aux extrêmités même si celui de droite a mis son brassard à l'envers  : G-3 GC 2-... ; si Abélard figure sur cette photographie cela signifie qu'il a du passer, à une date inconnue, du poste 5 au poste 2.

     
    Examinons maintenant son fascicule de mobilisation :

     Abélard LHERMITTE ne dispose pas d'un fascicule de mobilisation de GVC, en cas de mobilisation, il était prévu qu'il rejoigne la gendarmerie d'Ervy  (Ervy-le-Châtel), avant 18h le premier jour de la mobilisation, soit le 2 août 1914, pour participer comme conducteur de chevaux, à la réquisition de chevaux et de voitures (sans doute hippomobiles) dans le cadre de la mobilisation générale, au sein de la commission de réquisition N°44 stationnée à Ervy ; cette mission terminée l'ordre de route précise qu'il serait renvoyé dans ses foyers, soit au bout de quelques jours pour cette tâche.

     Au lieu de celà il a reçu la convocation datée du 31 juillet 1914, lui donnant ordre de rejoindre un poste de GVC.

     Par ailleurs, son livret individuel ne mentionne pas de période d'exercices au sein du service de la garde des voies de communication avant cette convocation.

     Ces éléments laissent penser qu'Abélard n'était pas affecté au service de la garde des voies de communications au préalable, ou au moins qu'il n'en était pas encore avisé.


     Au vu de cet exemple, il semble donc avoir été nécessaire, pour assurer l'effectif complet de certains postes de GVC, de convoquer dès le 31 juillet ou le 1er août 1914, des hommes en complément de ceux déjà initialement affectés au service de garde des voies de communication.  

  

Le témoignage du lieutenant BESSET

    Dans son ouvrage "SOUVENIRS D'UN G.V.C." publié en 1923, le lieutenant BESSET qui commande une section comportant près de 520 hommes répartis en 20 postes de GVC, évoque sa convocation au moment de la mobilisation :

Samedi 1er août 1914

pages 12 et 13, le lieutenant BESSET reçoit sa convocation dès 6h du matin le 1er août 1914 :
" samedi 1er  août,  à  six  heures  du   matin,  je   somnolais encore lorsque j'entendis vaguement le facteur rural qui me dessert dire : « Voici une carte pour M. BESSET ». [...]  je sautai au bas du lit, et bientôt, je me trouvai, sans émotion je dois le dire, devant un bout de carton m'invitant à partir, sans délai, pour un exercice de garde des voies de communications avec résidence à Verdun-sur-le-Doubs."

page 14, le jour même à 14h, il est à son poste, les GVC étaient affectés à proximité de leur domicile (pour la plupart moins de 10 km) pour permettre une mise en place très rapide du service :
" ce même samedi 1er août, à deux heures de l'après-midi, j'étais à mon poste, quelques heures avant la publication de la grande mobilisation."

page 16, la mobilisation générale est annoncée :
"    Soudain, entre quatre et cinq heures, le tambour résonne, le moment est solennel.

    Des gendarmes entrent en coup de vent dans la gare et en deux coups de pinceau collent intérieurement et extérieurement les affiches au drapeaux tricolore, puis sautent en auto pour aller plus loin. Les cloches de Gergy, Allerey, Bragny, Verdun, Ciel, St-Maurice-en-Rivière, sonnent en même temps le tocsin."


page 17, à ce moment de l'annonce de la mobilisation générale, le lieutenant BESSET indique qu'il est toujours seul, toutefois il ne précise pas clairement s'il est le seul membre du commandement de la section E à son poste, où carrément le seul GVC arrivé dans cette gare, ce que laisse supposer la suite du récit, il précise toutefois qu'il attend les convoyeurs, ces hommes étaient des GVC qui n'étaient pas convoqués directement à la gare la plus proche de leur poste de GVC, mais d'abord au dépôt du régiment chargé de fournir effets d'uniformes, armes et une partie des équipements pour les postes de GVC, les convoyeurs étaient chargés de récupérer le matériel puis de l'embarquer dans un train qui parcourait les gares où le matériel était déchargé pour les postes de GVC du secteur :
"    Je suis toujours seul, attendant les événements ou, pour mieux dire, les convoyeurs du 10e de ligne qui, bientôt apparaîtront, accompagnant les équipements de mes postes.

un premier chef de poste se présente dans la soirée, le lieutenant BESSET le renvoie à son domicile pour la nuit, lui ordonnant de ne revenir que le lendemain 2 août, cela signifie que le lieutenant BESSET ne s'attend pas à pouvoir assurer la mise en place de ses postes de  GVC le soir même du 1er août, d'autant qu'à ce moment, il na pas encore vu arriver les convoyeurs :
" A la tombée de la nuit, je vois le premier de mes chefs de poste : c'est l'honorable instituteur de Ciel, M. THÉVENIN, qui vient se mettre à ma disposition. Je lui donne le sage conseil de rentrer dormir chez lui et de revenir le lendemain 2 août."

page 19, les convoyeurs arrivent au milieu de la nuit, ainsi que quelques hommes :
"    Enfin, à minuit, arrivent les convoyeurs d'Auxonne ; ils laissent à Verdun le matériel de trois postes ; les autres filent jusqu'à leur destination. Des gardes arrivent aussi, isolément, et m'abordent pour me demander des ordres : mais il faut attendre le jour qui ne tardera pas à paraitre."

Dimanche 2 août 1914 : premier jour de la mobilisation

pages 19 et 20, les hommes continuent à arriver jusqu'au milieu de matinée, les équipements reçus des convoyeurs leurs sont distribués jusqu'à 10 heures, ce qui laisse supposer qu'à cette heure tous les hommes convoqués à cette gare pour recevoir leur matériel sont arrivés, ceux en poste sur place sont prêts, d'autres devront encore se déplacer une fois équipés pour rejoindre leur poste de GVC situé sur le tracé de la voie ferrée mais hors de la gare :
"    Aux premières lueurs du jour, je m'enquiers si mes chefs de poste, ayant leur destination à la gare de Verdun, sont présents ; ils sont là, ainsi que deux chefs de groupe, les sous-officiers Goiffon et Laville. Nous commençons à équiper nos hommes au fur et à mesure qu'ils arrivent, en l'absence de tout contrôle.

    A mesure qu'ils sont équipés, les hommes gagnent les postes qui leurs sont indiqués sur leurs ordres d'appel. Ce travail nous occupe jusqu'à dix heures.
"

Lundi 3 août 1914 : deuxième jour de la mobilisation

page 21, le lieutenant BESSET considère que le service des GVC sur sa section ne fonctionne complètement qu'à compter de cette date, même si visiblement tous les hommes sont arrivés au plus tard avant 10h la veille :
" [...] en réalité notre service ne peut guère fonctionner complètement que le lendemain 3 août"

page 22, évocation du départ du premier train de réservistes depuis cette gare :
"Lundi, 3 août. ___ J'assiste à un spectacle d'une émotion intense, comme certainement on n'en a pas beaucoup dans sa vie.

Les réservistes de Verdun et des communes voisines arrivent à la gare précédés de tambours et escortés de leurs femmes et de leurs enfants. Ils chantent la « Marseillaise » et ce chant entendu en un pareil moment vous émeut jusqu'aux larmes. L'émotion grandit jusqu'au départ du train. Que de larmes ! Et ces enfants qui pleurent sans trop savoir pourquoi, en voyant pleurer les autres ! S'ils devinaient ?

    Le train part au milieu d'adieux déchirants ! Il est parti, laissant la gare vide sur laquelle planera jusqu'au soir une morne tristesse."


Conclusion : les GVC, les premiers mobilisés ?

    Convoqués par ordre transmis dans la soirée du 31 juillet, presque tous ont dû se voir remettre leur convocation à rejoindre leur poste immédiatement et sans délai dès le 1er août, parfois très tôt, poste que selon le témoignage de BESSET, les premiers atteindront dans l'après-midi ou en fin de journée ce même jour, ceci compte tenu de la proximité entre leur lieu de résidence et leur lieu de convocation, les derniers tôt le matin du 2 août.

    Ceci explique que les livrets individuels et registres matricules des GVC en poste à la mobilisation, mentionnent une participation à la campagne contre l'Allemagne à compter du 1er août 1914, alors que la première journée de mobilisation est celle du 2 août.

    Les GVC figurent donc bien parmi les premiers réservistes mobilisés, puisque convoqués avant la grande masse des réservistes, même si nous l'avons vu plus haut, quelques-uns ont été convoqués encore un jour avant eux !

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Notes


1.D'après l'exemplaire disponible sur Gallica de l'affiche de l'ordre de mobilisation générale    

2.     Voir "LES ARMEES FRANCAISES DANS LA GRANDE GUERRE" - Tome premier - premier Volume - Ministère de la Guerre - Imprimerie Nationale - seconde édition 1936 ; disponible sur Gallica ; accès direct à la :
  • page 111 : télégramme ordre de mobilisation générale
  • page 94 : mesures à prendre en cas de tension politique
  • page 95 à 111 : mise en oeuvre des mesures préparatoires à la mobilisation
  • page 107 : convocation des GVC

3.   "Instruction générale sur le service de garde des voies de communication" - Ministère de la Guerre - 18 octobre 1910 - Imprimerie Nationale.
Transcription complète réalisée par Arnaud Carobbi disponible sur son site "LE PARCOURS DU COMBATTANT DE LA GUERRE 1914-1918"
accessible ici
exemplaires originaux disponibles :
    • Service historique de la défense - Vincennes - cote 16 N 2810 - consultation sur place sur réservation de cote préalable.
    • Archives départementales de la Sarthe - Le Mans - AD72 cote  1R825 . Service des GVC.  Relevé de cote par Arnaud Carobbi.
4.La fiche matricule de Jules BOULEAU est conservée par les archives départementales du Maine-et-Loire à Angers, cette fiche est consultable en ligne gratuitement, au chapitre  REGISTRES MATRICULES MILITAIRES, dans la recherche choisir :
  • bureau = Angers
  • classe = 1890
  • type de document = Registre matricule
dans les résultats choisir la liste des matricules N° 1000 à  1499, celui de Jules BOULEAU est le N° 1255 visible à la page  299 de cette série.