GVC 14-18

Le service de la garde des voies de communication en France pendant la Première Guerre mondiale

DANS LE PORTE-MONNAIE EN 14 18

Partie II : les centimes en nickel et cupro-nickel



    Nous avons vu en partie I que les français disposaient, de 1914 à 1918, de plusieurs types de pièces de 1 ; 2 ; 5 et 10 centimes en bronze.


Vers un remplacement des centimes en bronze par des pièces en nickel ?
  
    Dès les années 1880, la question du remplacement des pièces de centimes en bronze, par des pièces en nickel, est discutée par les parlementaires.

    Les pièces en bronze sont alors jugées lourdes, encombrantes, souvent malpropres1. En effet le bronze perd rapidement son brillant et les pièces deviennent très foncées à l'usage. Elles s'usent même, on retrouve encore de ces pièces très usées présentant deux faces totalement lisses, sans plus aucune gravure visible, ainsi réduites à de simples rondelles de métal, inutilisable comme monnaie, ces pièces ont souvent fini comme cales sous des pieds de meubles !

    Le 18 juillet 1885 est ainsi discutée à la Chambre des Députés, une disposition1 prévoyant le remplacement de la monnaie de billon en bronze, par une monnaie de billon en nickel , avec de nouvelles pièces de 5 ; 10 et 25 centimes, et même une pièce avec une étonnante quotité de 2 centimes et demi !

    Le débat évoque une difficulté : résoudre la question de la forme à donner à ces nouvelles pièces en nickel, pour les distinguer des pièces en argent. L'aspect argenté du nickel, est en effet jugé trop ressemblant à l'aspect des monnaies en argent constituées alors de pièces de 20 et 50 centimes, 1 ; 2 et 5 francs. La proposition est retirée, renvoyée à des études complémentaires pour régler ce problème.

    S'ensuivent : la production d'un rapport en 1886, d'un projet de création de pièces en alliage de cuivre et nickel de 20 ; 10 et 5 centimes en 1887, puis un nouveau projet en 1892 pour les mêmes quotités2 .

    Pendant ce temps, on continue à fabriquer, en grandes quantités, les centimes en bronze, lançant même en 1895 une étude pour leur donner une nouvelle gravure frappée à partir de 1897  ( voir partie I ).

     Le sujet est abordé de nouveau au sein de cette même Chambre le 14 février 18981 . Lors des discussions sont évoqués comme signes distinctifs possibles des pièces en nickel : la tranche lisse ou la perforation des pièces. Il est précisé que la première émission d'une pièce de nickel ne se ferait que sur une seule quotité, de 20 ou 25 centimes, avec valeur de test.

    Il faudra attendre encore plusieurs années pour voir l'émission de cette première pièce. La séance du 7 février 19031 valide le choix de la pièce de 25 centimes. Parmi les signes distinctifs encore débattus, figurent le perçage, la tranche lisse et la tranche à pans lisses, nous verrons ci-dessous, que finalement, ces trois variantes seront réalisées.
   


Les pièces du type Patey


    La Loi du 31 mars 1903, portant fixation du budget général des recettes et des dépenses pour l'exercice 1903, prévoit en son article 50, la création d'une nouvelle pièce de monnaie de 25 centimes en nickel3 . Comme pour les centimes de bronze, la Loi précise que cette pièce de 25 centimes ne pourra être employée dans les payements que pour l'appoint de 5 francs.

    Par Décret du 30 août 19033 , le modèle adopté pour cette nouvelle pièce, est un modèle exécuté par le graveur Henri-Auguste Patey. Le signe distinctif adopté est la tranche lisse. Par ailleurs, cette pièce est très facilement identifiable avec à son revers la somme inscrite en très gros chiffres entourés par un carré, caractéristique du 1er type de cette pièce fabriqué uniquement au millésime 1903.

    En effet dès 1904, par Décret du 24 juillet3, est adopté un second type pour cette pièce de 25 centimes, toujours exécuté par le graveur Patey, l'avers est identique au modèle précédent, les modifications consistent en :
  • un nouveau revers comportant un faisceau de licteur et une branche de chêne et la mention de la somme en chiffres de plus petits caractères ;
  • le remplacement de la tranche lisse par une tranche polygonale à 22 pans lisses, voici la deuxième variante de signe distinctif testée sur les pièces en nickel.
    Le Décret précise que les pièces du type de 1903 à revers au carré et tranche lisse, continuent à avoir cours légal, concurrement avec les nouvelles pièces, émises seulement aux millésimes de 1904 et 1905.

valeur
25 centimes
caractéristiques
       matière : nickel pur - masse : 7 grammes - diamètre : 24 mm     
millésimes existants4
1903 (1er type)
1904-1905 (2ème type)
illustration des  2 faces


tranche
lisse
flan polygonal à 22 pans lisses
quantité fabriquée4
16 000 000
24 000 000
soit une valeur monétaire totale de
10 000 000,00 francs
retrait
01/10/1933


démonétisation


    La question de la matière de ces nouvelles pièces fait toutefois toujours débat, l'usage d'aluminium est proposé en 19082 , et de nombreux tests d'alliages avec ce métal sont effectués de 1909 à 1910, puis concluent à l'adoption d'un alliage de bronze-aluminium.

    Mais de nouveaux tests amorcés en 1911 mettent en évidence la dureté de cet alliage, rendant impossible la frappe des pièces à froid dans leur processus de fabrication, on admet donc, début 1912, l'impossibilité d'utiliser le bronze-aluminium, puis on revient au choix initial du nickel pour les nouvelles pièces2 .
   

Les pièces du type Lindauer

 
    En juin 1912, le dépôt d'un nouveau projet à la Chambre des députés, aboutit enfin à l'adoption, par la Loi du 4 août 1913, d'une nouvelle série de pièces en nickel de 5, 10 et 25 centimes3 . Celles-ci sont cette fois perforées, matérialisant ainsi, l'usage effectif d'une troisième variante de signe distinctif des pièces de nickel !
   
    Le projet est toujours de remplacer à terme les pièces de centimes en bronze, la Loi annonce le futur retrait par décret des pièces de 5 et 10 centimes en bronze, et même celui des premières pièces de 25 centimes en nickel millésimées 1903 !
    Nous avons vu cependant en partie I , que ces futurs décrets tarderont : le retrait et la démonétisation de ces pièces de 5 et 10 centimes en bronze n'est intervenu finalement qu'en 1935, soit vingt deux ans plus tard !

    Le choix de la gravure de ces nouvelles pièces, est décidé par concours2, organisé en deux temps, assorti d'un prix de 20 000 francs5 . Une première épreuve éliminatoire, ne porte que sur les projets dessinés, 76 sont présentés ; 10 sont retenus pour lesquels les modèles de pièces sont frappés par la Monnaie, exposés en public , puis examinés par un jury qui prime le modèle présenté par le graveur M. Lindauer. Choix officialisé par décret du 10 juillet 19146 :
   
valeur
   5 centimes        10 centimes  
   25 centimes  
matière
nickel pur (minimum à 980 millièmes)
tranche
lisse
diamètre
19 mm
21 mm
24 mm
diamètre du trou central
4,5 mm
5 mm
5,5 mm
masse
3 grammes
4 grammes
5 grammes
illustration des 2 faces

millésimes existants4
  1914 
1914
1916 (ESSAI seulement)
1914 à 1917
quantité fabriquée4
inconnue (frappe d'ESSAI)
3972
1 641 006
soit une valeur monétaire totale de
inconnue
397 francs 20 centimes
410 251 fr. 50 c.
retrait


01/04/1947
15/02/1942
démonétisation
01/07/1947
01/03/1942

    Comme les centimes de bronze, ces pièces du type Lindauer ne peuvent être employées dans les paiements, si ce n'est de gré à gré, que pour l'appoint de 5 francs3 .

   
Seules les pièces de 25 centimes sont fabriquées en masse, avec comme millésimes les plus courants : 1914 et 1915.

    En effet sur proposition de juillet 19171 , formalisée par une loi du 2 août 19173 , le ministre des finances est autorisé, exceptionnellement, à fabriquer ces pièces désormais en bronze de nickel (dit cupro-nickel à 75% de teneur de cuivre). Adoptée à titre "exceptionnel" , cette fabrication des pièces Lindauer du 2ème type en cupro-nickel perdurera jusqu'en 1938 ! Ce modèle Lindauer connaîtra aussi ultérieurement des fabrications en maillechort et en zinc, mais plus jamais ne sera fabriqué en nickel...

  
  Ces pièces en cupro-nickel se distinguent des précédentes car elles sont plus ternes et ont  tendance à griser avec le temps, contrairement aux pièces de nickel qui souvent ont conservé leur brillance. Un autre signe distinctif est la mention CMES (pour centimes)  gravée non soulignée sur cette nouvelle série, alors qu'elle est soulignée sur la série précédente en nickel : CMES


valeur
  5 centimes  
  10 centimes  
   25 centimes  
matière
cupro-nickel  ( nickel 25 % - cuivre 75 %)
tranche
lisse
diamètre
19 mm
21 mm
24 mm
diamètre du trou central
4,5 mm
5 mm
5,5 mm
masse
3 grammes
4 grammes
5 grammes
illustration des 2 faces

millésimes existants4
1917 à 1920
1917 à 1938
1917 à 1933
1936 - 1937
quantité fabriquée4
139 213 857
dont 44 045 005
avant  1919

701 480 534
dont 38 776 858
avant 1919

315 372 733
dont 21 414 615
avant 1919

soit une valeur monétaire avant 1919 de
2 202 250 fr. 25 c.
3 877 685 fr. 80 c.
5 353 653 fr. 75 c.
retrait
01/02/1935 et
01/01/1941
01/04/1947
15/02/1942
démonétisation
01/03/1935 et
16/01/1941
01/07/1947
01/03/1942


Retrait et démonétisation

   

    Toutes les pièces évoquées ci-dessus ont encore cours légal à la fin de la Grande Guerre.


    Les pièces de 25 centimes du type Patey, pleines et en nickel pur, sont à la fois retirées et démonétisées au 1er octobre 1933.

    En effet, selon décret du 28 juin 1933, elles cessent d'avoir cours dans les échanges entre les particuliers, cessent d'êtres aceptées en paiement par les caisses publiques, ou échangées par celles-ci, à cette date unique du 1er octobre 19336


    Pour les pièces du type Lindauer :

   

    Pièce de 5 centimes :

    Ses caractéristiques ont été modifiées par la loi du 8 août 19206, qui en réduit la taille (diamètre 17 mm) et la masse (2 grammes), donnant naissance à la 5 centimes du type Lindauer dit de "petit module". La loi prévoit également le retrait par un futur décret, des pièces de 5 centimes Lindauer frappées jusque là et dites aujourd'hui de "grand module".

    Le retrait et la démonétisation de ces 5 centimes de grand module, est prévu une première fois, en même temps que le retrait des pièces de 5 et 10 centimes en bronze, par le décret du 31 octobre 19343 . Il fixe le retrait au 1er février 1935, c'est à dire la fin du cours légal entre particuliers et de l'acceptation en paiement dans les caisses publiques,  et au 28 février 1935 la fin de l'échange de ces pièces auprès de caisses publiques, les démonétisant donc théoriquement définitivement au 1er mars 1935.

    Toutefois la mesure a du être peu suivie d'effet s'agissant des 5 centimes Lindauer, car la loi du 24 novembre 19403 , de retrait des  petites monnaies divisionnaires, dont les 1 et 2 centimes en bronze, prévoit également le retrait de toutes les variantes de 5 centimes Lindauer, en mentionnant à nouveau celles en bronze de nickel (cupro-nickel) émises depuis 1917 en grand module, en plus des petits modules émis de 1920 à  1938 en cupro-nickel, et en maillechort en 1938 et 1939. Le retrait est fixé au 1er janvier 1941, et la démonétisation effective au 16 janvier 1941.


    Pièce de 10 centimes :


    L'Arrêté du 20 mars 19473 , fixe au 1er avril 1947, le retrait des pièces de 10 centimes Lindauer (en nickel émises en 1914, en cupro-nickel de 1917 à 1938,  en maillechort en 1938 et 1939, en zinc en 1941), et la démonétisation effective au 1er juillet 1947.


    Pièce de 25 centimes :

    L'arrêté du 30 janvier 19423 , fixe au 15 février 1942, le retrait des pièces de 25 centimes Lindauer (en nickel émises de 1914 à 1917, en cupro-nickel de 1917 à 1937,  en maillechort de 1938 à 1940), et la démonétisation effective au 1er mars 1942.


    Ironie de l'histoire, certaines de ces pièces en nickel sont donc démonétisées :

  • avant ( 25 centimes type Patey en 1933) les pièces en bronze qu'elles étaient censées remplacer, qui elles ne sont démonétisées qu'en 1935 et 1941 (voir partie I ),
  • ou en même temps (5 centimes Lindauer)
  • à peine un peu plus d'un an après  (25 centimes Lindauer début 1942)

    Ainsi seules les 10 centimes Lindauer, retirées et démonétisées en 1947, garderont cours légal plusieurs années après le retrait et la démonétisation des centimes de bronze.

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Notes

1.  Voir au Journal officiel de la République française. Débats parlementaires. Chambre des députés : compte rendu in-extenso intégral disponible sur Gallica :

2.  Voir le rapport sénatorial N° 236 - SÉNAT -  ANNÉE 1913 - SESSION ORDINAIRE -  Annexe au procès-verbal de la séance du 24 juin 1913        disponible sur Gallica

3.  Texte intégral disponible sur Gallica dans la Collection complète des lois, décrets, ordonnances, réglements, et avis du Conseil d'Etat, J. B. Duvergier (Paris de 1824 à 1949) :
4.  Pour les millésimes existants et les quantités fabriquées de chaque pièce, voir l'ouvrage :  LE FRANC POCHE - Editions les Chevaux-Légers - 2017


5. Voir : Chronique des arts et de la curiosité : supplément à la Gazette des beaux-arts (Paris), édition du 14/02/1914, page 50 disponible sur Gallica
6.
 Journal officiel de la République française. Lois et décrets. Disponible sur Gallica