GVC 14-18

Le service de la garde des voies de communication en France pendant la Première Guerre mondiale

GVC et reconstitution historique

    Quittons un instant l'histoire pour entrer dans le domaine de l'histoire vivante par le biais de la reconstitution historique


    Ces GVC ont été photographiés en 2014, les 5 et 6 juillet, à Fourg dans le Doubs, à l'occasion de la fête Gens de Fourg Autrefois1 organisée tous les 3 ans dans le magnifique cadre de la forêt de Chaux, attirant des milliers de visiteurs et regroupant plusieurs centaines de participants costumés, de nombreux artisans et artistes, ainsi que des matériels et véhicules anciens, la thématique cette année était "1900".

    Cette évocation des GVC est le fruit du travail de la Compagnie la Courbière2, association de reconstitution historique multi-époques basée dans le Jura, expérimentée et présentant des reconstitutions de grande qualité, invitée à participer à la fête en tenues 1914. J'en profite pour remercier ici la Compagnie la Courbière et chacun de ses membres pour cette présentation de tenues 1914, et son aimable participation photographique à cet article.

    Explorant des époques très variées et hautes en couleurs, pour n'en citer que quelques unes : le XVIème siècle, l'Ancien Régime, les 1er et second Empire... et aussi des thèmes originaux : Russes second Empire, Gardes nationaux Mexicains des années 1861 à 1867, Gardes nationaux second Empire et Communards...

    Cette fois la Compagnie a décidé d'évoquer la Grande Guerre avec différents uniformes de 1914 dont des tenues de gardes des voies de communications (GVC), l'âge d'une partie des protagonistes cadrant bien avec des réservistes de la territoriale.

    Par soucis d'uniformité la Compagnie a choisi de marquer ses tenues au N° blanc du 53ème régiment d'infanterie territoriale de Lons-le-Saunier en 1914, les tenues allouées aux GVC à la mobilisation en août 1914, pouvaient en effet porter historiquement soit des marquages de numéros de régiments d'infanterie, soit de régiment d'infanterie territoriale pour les deux configurations les plus fréquentes3.

    Les deux variantes de tenues réglementaires des GVC à la mobilisation sont présentées :
  • capote gris de fer bleuté et pantalon garance pour les GVC dans des zones exposées à des incursions ennemies
  • veste de bourgeron et pantalon de treillis blanchâtre pour les GVC dans des zones plus à l'arrière
    La suite de cet article va mettre en regard les photographies modernes de cette reconstitution avec des photographies d'époque ce qui présente un double intérêt :
  • comparer les photographies modernes avec les anciennes permet de mesurer la qualité de la reconstitution réalisée
  • comparer les photographies historiques en noir et blanc avec les photographies modernes permet d'imaginer à quoi pouvaient ressembler en couleur les tenues de ces hommes parvenues jusqu'à nous sur des images noir et blanc.


     Comme nos GVC de reconstitution en capote, ces véritables GVC portent des tenues marquées au N° d'un régiment territorial : ici le 104ème RIT de Roanne, photographiés en 1914 sans doute à Yseure.  
   
    Ces deux premières photographies nous montrent les équipements conformes aux dotations prévues pour les GVC par l'instruction générale de 1910 sur l'organisation du service de la garde des voies de communications4 : un ceinturon, une seule cartouchière (de n'importe quel modèle en stock dans les dépôts de l'infanterie française), un porte baïonnette fixé au ceinturon, pas de brelage, un fusil Gras et sa baïonnette.

    Pour les deux vues les brodequins sont portés avec ou sans guêtrons de cuir noir.

    Enfin, tous ces hommes ont une vraie moustache !



    Les mêmes dans une posture un peu plus agressive, qui elle aussi rejoint l'histoire, en témoigne la photographie ci-dessous :


     Ces hommes du groupe 3 de la section D des GVC de la subdivision de Bernay portent aux cols et au képi le numéro du 24ème régiment d'infanterie de Bernay, les trois hommes sur la gauche ont soigneusement blanchi à la craie ces numéros pour les rendre visibles sur la photographie noir et blanc, cette pratique est très courante à l'époque, en comparaison l'homme le plus à droite a conservé son N° garance sur fond bleu foncé au bandeau du képi, et gris de fer bleuté sur le fond garance des pattes de col, laissant ceux ci presque invisibles sur le noir et blanc de cette photographie.
    
      Trois d'entres eux portent au bras gauche les brassards de GVC bleu à marquages blancs, fidèlement copiés par nos reconstituteurs.



reconstitution

convertie SEPIA

convertie NOIR & BLANC

photographie
 ancienne
GVC
en 1914



     Ci-dessus la photographie couleur de la reconstitution a été convertie, avec un logiciel moderne, en SEPIA puis en NOIR & BLANC, cette dernière version est comparée à une photo ancienne d'un GVC portant la même tenue donc de la même couleur réelle ; les différences notables de rendu des gris sur la photographie moderne en noir et blanc par rapport à l'ancienne permettent de souligner que les procédés modernes de photographie noir et blanc, ou de conversion en noir et blanc par des logiciels, ne restituent généralement pas les couleurs dans les mêmes niveaux de gris que les procédés de photographie anciens, luminosité et exposition peuvent aussi influer sur le résultat de la prise de vue.

     Sur cette photographie ancienne, comme sur de très nombreuses photographies de la même époque, le rouge garance du pantalon, du képi et des pattes de col, restitue en noir et blanc une nuance beaucoup plus sombre que celle de la capote, c'est aussi visible sur la photographie des hommes du 104ème RIT ci-dessus, en revanche c'est beaucoup moins le cas pour l'image des hommes du 24ème RI pointant les baïonnettes, dont le contraste est plus proche de la photographie noir et blanc moderne, pour laquelle à l'inverse, le garance converti en noir et blanc est presque plus clair ou quasi dans la même nuance de gris que la capote.

     Il est donc impossible de comparer des photographies d'époque avec des photographies noir et blanc obtenues par des procédés modernes, pour essayer d'en tirer des hypothèses sur les couleurs des tenues des hommes de la photographie ancienne, nous le verrons plus loin de façon encore plus surprenante avec l'exemple du Tirailleur indigène.
  


     Les hommes ci-dessus portent les effets alloués aux GVC en poste dans les zones non soumises aux incursions ennemies : la veste de bourgeron5 et le pantalon de treillis.

     Ce sont des vêtements en toile de lin portés en temps de paix dans les casernes pour les corvées et les exercices.  
     Les trois pantalons visibles ci-dessus sont tous les trois de véritables exemplaires anciens, on notera qu'aucun n'est de la même nuance, ces effets neufs devaient avoir une nuance grisâtre claire, à l'usage ils blanchissaient. Il en est de même pour la toile des vestes de bourgerons qui sont ici des exemplaires de reconstitution reproduits avec de la toile de lin.

     Le képi de l'homme de droite (visible aussi en 2ème homme à droite sur les précédentes photographies) est un exemplaire d'époque authentique, tous les autres sont des copies de reconstitution, même sur les képis authentiques ayant survécu jusqu'à nous, ainsi que sur les pantalons, il existe des variantes de teintes pour le rouge garance.


La Compagnie la Courbière présente également quelques autres tenues de 1914 :


     Ces deux hommes figurent en tenue du 53ème
régiment d'infanterie territoriale de Lons-le Saunier.

     L'homme de gauche porte les mêmes effets que
les GVC en capote mais dispose de 3 cartouchières
(2 devants et 1 dans le dos) ainsi que des bretelles
de suspension des cartouchières.

     Il est armé d'un fusil Lebel adopté par l'armée
Française en 1886 et non pas de l'antique fusil Gras
de 1874 dont sont dotés tous les GVC.

     L'homme de droite porte un couvre-képi bleu dont sont pourvus en 1914 tous les régiments  d'infanterie allant vers le front.

     Avant 1913 les unités disposent dans leur paquetage d'un couvre-képi blanc qui peut être utilisé par temps chaud mais sert surtout lors des grandes manoeuvres pour distinguer un camp de l'autre.

     Fin 1912 est adopté, pour masquer le rouge garance du képi, un couvre-képi théoriquement de même teinte que la capote, les unités d'active reçoivent l'ordre de teinter les anciens couvre-képis blancs, puis commencent à en percevoir des neufs directement teints en bleu en 1913, en 1914 des couvre-képis de fortune sont confectionnés en urgence pour tous les réservistes et territoriaux.

     Les teintures réalisées, plus ou moins claires, et la qualité des teintures qui avec l'usage s'éclaircissent plus ou moins vite, conduisent dès la mobilisation générale à une grande variété de bleus pour les couvre-képis, visible sur les exemplaires parvenus jusqu'à nous, et aussi sur les photographies d'époque, variété qui peut aller du foncé avec à peu près la même teinte que la capote jusqu'à des bleus très clairs, comme ici, ou encore très délavés.
     Quelques photographies anciennes montrent que certains groupes de GVC en capote portent aussi le couvre-képi, comme tous ces GVC habillés par le 110ème régiment d'infanterie territoriale de Romans ci-dessous :



     L'instruction générale de 1910 sur le service des GVC4 ne prévoit toutefois pas de couvre-képi dans les effets à fournir aux GVC, donc la très grande majorité des GVC n'en portent pas sur les photographies d'époque.




Voici ci-dessus une tenue de Zouave assortie d'un impressionnant paquetage complet !
     Une unité de zouaves à l'exercice dans les mêmes tenues au camp de Sathonay, le trépied au premier plan est un appareil sur lequel est fixé un fusil pour des exercices de pointage de tir :


     Sur la photographie exceptionnelle ci-dessous, l'homme de gauche porte une tenue complète bleu foncée de Zouave (comme les deux Zouaves au centre du premier plan ci-dessus), le  brassard des GVC à son bras gauche atteste bien de son appartenance à ce poste de GVC :


     L'explication de sa présence ici est donnée par une mention au dos de la carte précisant le nom de l'homme et le fait qu'il a été affecté aux GVC après blessure, notre homme a donc été blessé au combat avec son régiment de Zouaves, puis après soins, sans doute jugé inapte à un retour au front et donc reversé dans les GVC, qu'il a rejoint en conservant son uniforme de Zouaves !



     Nous sommes peut être déjà en 1915 au moment de cette prise de vue, en attestent plusieurs képis et vestes d'un gris très clair sur le noir et blanc, il s'agit d'effets bleu horizon.




Uniforme de Tirailleur indigène

photographie moderne convertie en
NOIR & BLANC
     Ce dernier reconstituteur présente un superbe uniforme de Tirailleur indigène, il en existe neufs régiments en 1914 stationnés en Algérie et Tunisie, tous portent cet uniforme bleu de ciel à parements jonquille.

     Sur une photographie moderne en noir et blanc, ou comme ici en haut à droite convertie en noir et blanc par un logiciel de traitement d'image, ces parements jonquille apparaîssent beaucoup plus clairs que le drap de la veste et même ici quasiment blancs.

     On constatera à droite, sur la photographie d'époque de cet homme,  vêtu exactement du même uniforme de Tirailleur indigène, qu'il n'en est absolument rien sur les procédés photographiques anciens, qui restituent les couleurs jaunes dans une teinte très foncée en noir et blanc, parfois presque noire !!

     A l'inverse de la photographie noir et blanc moderne les parements sont ici sur le noir et blanc ancien, plus foncés que le drap de la veste, illustrant de façon spectaculaire les remarques déjà formulées plus haut sur les énormes différences de rendu des mêmes couleurs entre les les noirs et blancs anciens ou modernes.

     Cet homme en uniforme de Tirailleur indigène semble étonnamment faire partie de ce groupe de GVC métropolitains, sa barbe blanche le place dans la même tranche d'âge que ses camarades et accrédite cette hypothèse, sans texte au dos ni légende pour cette photographie, la présence ici de cet uniforme reste toutefois sans explication :

     Ces GVC portent des képis marqués aux numéros des 89ème et 168ème régiments d'infanterie et 33ème régiment d'infanterie territoriale. Ces trois régiments ont leur dépôt régimentaire à Sens en 1914, Sens est donc la subdivision militaire d'origine de ces GVC.

    La Compagnie la Courbière  participe à de nombreux évènements en uniformes chaque année, dont plusieurs dans ces tenues 1914, elle a d'ailleurs prévu de faire évoluer celles-ci entre 2014 et 2018, une partie des tenues évoquant 1915 sont déjà prêtes.

     Je vous encourage vivement à aller les voir lors de leurs sorties si vous en avez l'occasion, quelle que soit l'époque évoquée d'ailleurs !!


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Notes


1.     Accès au site internet des organisateurs de la fête : "Gens de Fourg Autrefois"

2.     Le riche et régulièrement actualisé site internet de la Compagnie la Courbière


3.     Voir sur ce site l'article : Identifier par le numéro des képis ou des cols

4.     "Instruction générale sur le service de garde des voies de communication" - Ministère de la Guerre - 18 octobre 1910 - Imprimerie Nationale.

Transcription complète réalisée par Arnaud Carobbi disponible sur son site "LE PARCOURS DU COMBATTANT DE LA GUERRE 1914-1918" accessible ici

exemplaires originaux disponibles :
    • Service historique de la défense - Vincennes - cote 16 N 2810 - consultation sur place sur réservation de cote préalable.
    • Archives départementales de la Sarthe - Le Mans - AD72 cote  1R825 . Service des GVC.  Relevé de cote par Arnaud Carobbi.
5.     Voir sur ce site la série d'articles sur les bourgerons