La majorité des GVC mobilisés en août 1914, ont donc été pourvus du bourgeron, et c'est vêtus de celui-ci qu'ils apparaissent sur un grand nombre de photographies de GVC prises en août septembre 1914.
Ces GVC de
Lisieux dans le Calvados, rattachés administrativement au 20e
régiment d'infanterie territoriale, et équipés à la mobilisation par le
119e régiment d'infanterie, photographiés ici en septembre
1914, portent le bourgeron de toile et le pantalon de treillis.
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Bourgeron de toile et pantalon de treillis sont normalement fournis par le régiment subdivisionnaire d'infanterie de la subdivision militaire de localisation des GVC.
Ce sont, en temps de paix, des tenues de corvées et d'exercice, utilisées par les hommes effectuant leur service militaire, ou des réservistes rappelés pour des périodes d'exercice.
Ces effets figurent en 1914 à la nomenclature des effets affectés à chaque homme sous les drapeaux en temps de paix, à raison de 2 bourgerons de toile et 2 pantalons de treillis par homme ( 1 bourgeron et 1 pantalon en collection n°2 dite collection d'extérieur, et 1 jusqu'à usure en collection n°3 dite d'instruction). En revanche ils ne font pas partie de la tenue de campagne 2, et ne sont donc pas emmenés au front par les hommes des unités combattantes.
A
la mobilisation, ces bourgerons restent donc en grand nombre
à la disposition du dépôt du régiment d'infanterie qui peut alors
en équiper les GVC de sa subdivision.
1862 : une blouse dédiée à certains services
La
nomenclature des effets affectés à chaque sous-officier et soldat
des régiments d'infanterie en 1867 ne prévoit pas encore de
bourgeron.
Il
existe toutefois une blouse et un pantalon, tous
deux en forte toile
de lin écru, dédiés au service des cuisines et d'infirmerie dont
l'achat direct est confié aux Conseils d'administration des corps
d'infanterie 3.
L'adoption de cette blouse, longue de 1 mètre et 10 centimètres du collet au bas, et large de 1 mètre au bas, date de juin 1862, pour les services des écuries, des cuisines, des travaux et des infirmeries 4. Chaque régiment ne détient donc les effets de ce type qu'en quantité nécessaire à ces services. Depuis 1831 chaque cuisinier est doté de deux blouses et deux pantalons de toile 5.
1872 / 1873 : adoption du bourgeron
En
octobre 1873, il est décidé de
remplacer cette longue blouse par
une blouse écourtée dite « bourgeron » qui, tout en
coûtant moins cher (3 francs 35 centimes environ au lieu de 5 fr.15 c.
pour
la blouse en 1873), préservera suffisamment les effets et rendra les
mêmes services puisque généralement portée avec un pantalon de
toile 4.
Ce bourgeron en toile est identique à celui déjà en usage auprès de la garde républicaine et de la gendarmerie aux termes de l'article 187 du règlement du 26 novembre 1872 sur le service intérieur de la gendarmerie 4.
Les descriptions anciennes de bourgeron le présentent en taille unique comme la blouse, mais beaucoup plus court : long de 80 cm et large de 74 cm , il conserve le système d'ouverture devant par une fente de 35 cm partant du col et un collet droit, déjà présents sur la blouse. Le bourgeron n'est pas en toile de lin écru mais en forte toile de lin décruée dite toile d'Armentières.
1874 à 1877 : le bourgeron se généralise
dans certains corps de troupes
Le bourgeron adopté en 1873 au départ pour remplacer la blouse dans l'exercice de certains services spécifiques, commence à être distribué, à raison d'un exemplaire chacun, à tous les hommes de certaines catégories de troupes comme vêtement de travail :
Chaque fantassin reçoit alors un bourgeron, ces bourgerons sont en supplément de ceux déjà utilisés depuis 1873 pour certains services particuliers (par exemple : service des cuisines) qui figurent toujours au compte de la masse générale d'entretien du corps de troupe d'infanterie.
Cette dotation à tous les fantassins du bourgeron en 1882 lui vaut souvent l'appellation de bourgeron modèle 1882, il est en fait le même que ceux évoqués ci-dessus pour les années antérieures.
1895 : adoption du bourgeron-blouse dans la
cavalerie, l'artillerie et le train
Le 8 décembre
1894 le ministre de la Guerre
valide, en remplacement du
bourgeron du modèle actuel, l'adoption pour les troupes de
cavalerie, d'artillerie et du train des équipages militaires :
d'un bourgeron-blouse dont la description est publiée au Journal
Militaire Officiel en date du 5 janvier 1895, complétée par
publication du 23 février 1895 des dimensions permettant de le
confectionner en 3 tailles 18.
Comme le bourgeron, le bourgeron-blouse est confectionné en forte toile de lin décruée, dite toile d'Armentières, il comporte la même poche de poitrine, les mêmes manches à poignets et les mêmes renforts d'épaules, il diffère du bourgeron précédent essentiellement par les détails suivants :
ces deux dernières modifications ajustent davantage le bourgeron-blouse au corps par rapport à l'ancien modèle.
1912 : autorisation à titre d'essai du
bourgeron-blouse dans l'infanterie
Une circulaire du 10 juin 1911, autorise les corps de troupes d'infanterie, facultativement et à titre d'essai, à comprendre des bourgerons-blouses du modèle de la cavalerie (modèle 1895) dans les demandes qu'ils produiront en vue de la fourniture des effets en 1912. Les bourgerons-blouses pouvant constituer la totalité de la demande ou une partie seulement 19.
A partir de 1912 sont donc utilisés dans les corps de troupes
d'infanterie, à la fois des bourgerons et des bourgerons-blouses, les
très nombreux bourgerons-blouses visibles sur des photographies de
fantassins pendant la période de la Grande Guerre attestent de
l'introduction massive et rapide des bourgerons-blouses dans certains
régiments d'infanterie entre 1912 et 1914.
Ci-dessus : ces GVC
photographiés en 1914, portent des képis au N° du 82ème
régiment d'infanterie de la subdivision de Montargis, ils ont tous
perçu le bourgeron-blouse modèle 1895, facilement reconnaissable par sa
boutonnière couvrant toute la longueur du bourgeron du col jusqu'au bas
( note : le cycliste à droite,
également pourvu du brassard tricolore de ce groupe de GVC porte une
veste et une casquette civiles). |
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Ces GVC ont un képi marqué
au N° de 27ème régiment d'infanterie de la subdivision de
Dijon. Ils ont été dotés indifféremment des deux modèles de bourgeron. L'homme armé de gauche porte le bourgeron ancien dont la boutonnière de 35 cm en partant du col s'arrête au dessus de la plaque de ceinturon, le bas du bourgeron descend nettement sous le ceinturon. Les deux hommes assis à gauche et les deux à droite sont eux tous vêtus du bourgeron-blouse, bien qu'ils soient assis la boutonnière qui descend jusqu'au bas du bourgeron est en effet nettement visible. L'homme armé de droite porte une veste ressemblant beaucoup au bourgeron-blouse : plus courte que le bourgeron ancien modèle, avec une boutonnière jusqu'au bas, un col droit, une poche à la poitrine gauche ; on notera toutefois que les bas de ses manches sont ici coupés droits, ils devraient être à poignets fermant avec un bouton comme c'est visible sur les manches des hommes assis évoqués ci-dessus ; il porte peut-être un autre type de veste, ou un bourgeron-blouse dont les poignets ont été modifiés. |
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Sur
cette dernière photographie nous voyons parmi les GVC du premier rang
deux bourgerons et deux bourgerons-blouses, les deux modèles se
distinguent facilement l'un de l'autre :
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Evolution du prix de la blouse
modèle 1862
Evolution
du prix du bourgeron de
toile
Evolution du prix du bourgeron-blouse
La politique militaire de la France avant 1914 représente un budget très conséquent, aussi les soucis d'optimisation de la gestion des deniers publics et des effets militaires, est l'une des données dictant les choix en matière d'uniformes et d'équipements, et cela est souvent explicite dans les décisions officielles relatives à ces effets :
En 1873 l'adoption du bourgeron coûtant à l'unité 3 fr. 35 c. à la place de la blouse modèle 1862 qui en coûte 5 fr. 15 c. permet une substancielle économie de 1 fr. 80 c. par effet. Aussi la décision d'adoption du bourgeron précise que les économies réalisées permettront un achat supplémentaire de torchons pour le service des cuisines, dont le coût unitaire est évalué à 75 centimes. Ainsi le remplacement de la blouse permet, à budget constant, d'acheter quelques torchons supplémentaires dont le besoin semble se faire sentir ! 4 Auparavant l'achat de 24 torchons est autorisé par compagnie, remplacés chaque année ; les bourgerons de cuisine au nombre de 4 par compagnie, également remplacés chaque année, permettent une économie annuelle par rapport aux blouses de 1 fr. 80 c. X 4 = 7 fr. 20 c. permettant l'achat annuel de 9 torchons neufs supplémentaires à 75 centimes chaque par compagnie 5.
Par une décision ministérielle de juin 1878, le sac-tente-abri en usage à l'époque, a été supprimé pour les corps de troupe faisant campagne en Europe, s'il est conservé pour l'Algérie et si une certaine réserve est prévue dans les magasins centraux, que faire des stocks qui excédent cette réserve ? Une instruction de septembre de la même année ne tarde pas à le préciser : les sacs-tentes-abris en excédent seront transformés en bourgerons, en sacs à distribution, en enveloppes de paillasse,en enveloppes de traversin, en doublure des fausses bottes et en portemanteaux ! Une annexe donne les indications requises pour effectuer ces transformations et précise que la toile d'un seul sac-tente-abri permet la confection d'un seul bourgeron. Fin 1878 un certain nombre de bourgerons sont donc fabriqués avec de la toile de récupération 17.
Par instruction d'avril
1879 on peut confectionner des torchons de cuisine avec des
bourgerons de cuisine tombés hors de service et par décision de mai
1882 avec les bourgerons hors de service des compagnies 12.
Les bourgerons qui ne peuvent plus être portés sont affectés au service des cuisines si leur état de conservation le permet ou utilisés au raccommodage des effets similaires en services 13. La toile nécessaire pour les réparations sur les bourgerons peut donc être prélevée sur des effets hors service 8.
Vêtements de travail ou de corvée - règlement du 16 novembre 1887, article 49 - aucune durée obligatoire n'étant assignée aux effets du service de l'habillement, tous doivent être employés à l'habillement et à l'équipement des hommes de troupe jusqu'à complète usure. Ils sont ensuite utilisés aux réparations 11.
Dépêche de décembre1894 : Les corps peuvent faire porter en hiver les tuniques défraichies non susceptibles d'êtres maintenues à la collection n°2 sous le bourgeron, mais en ayant soin de faire couper les jupes de manière à ne pas dépasser le bourgeron 13 & 14.
Les bourgerons hors de service peuvent être utilisés par les régiments de cavalerie pour confectionner, sans aucune dépense, des trousses destinées à contenir des clous à ferrer ou des crampons à glace 15.
17.
Voir "BULLETIN
DE LA MEDECINE ET DE LA PHARMACIE MILITAIRE" - TOME SEPTIEME 1882 - Paris - VICTOR ROZIER, EDITEUR, disponible
sur gallica :
voir pages 477 à 479
Transcription
complète réalisée
par Arnaud Carobbi disponible sur son site "LE PARCOURS DU
COMBATTANT DE LA GUERRE 1914-1918" accessible ici
exemplaires
originaux disponibles
:
3.
Voir
la "DESCRIPTION
DE L'UNIFORME DE L'INFANTERIE DE LIGNE - décision du 2 décembre 1867 -
extrait du Journal militaire officiel, N°34 du 2e semestre
1867" disponible sur gallica dans
la version éditée à Paris en
1868 par la librairie militaire J.DUMAINE, LIBRAIRE-EDITEUR DE
L'EMPEREUR :
4.
Voir
"BULLETIN DE LA MEDECINE ET DE LA
PHARMACIE MILITAIRE" - TOME SIXIEME 1875 - Paris - VICTOR ROZIER, EDITEUR, disponible
sur gallica :
voir pages 470 et 471
(Officier
d'administration des bureaux de l'intendance militaire à Bourges)
disponible sur gallica :
1ère édition - 1878 - IMPRIMERIE DE A.
JOLLET, H. SIRE, SUCCESSEUR - BOURGES :
5. Voir
page 176
6.
Voir page 75
7.
Voir page 76
8. Voir
page 36
4ème
édition - 1885
- IMPRIMERIE, LIBRAIRIE ET PAPETERIE MILITAIRE HENRI
CHARLES-LAVAUZELLES - PARIS, LIMOGES.
9.
Voir page 131
10.
Voir page 133
6ème
édition - 1889 -
IMPRIMERIE, LIBRAIRIE ET PAPETERIE MILITAIRE HENRI CHARLES-LAVAUZELLES
- PARIS, LIMOGES.
11.
Voir page 126
7ème
édition - 1892 -
IMPRIMERIE, LIBRAIRIE ET PAPETERIE MILITAIRE HENRI CHARLES-LAVAUZELLES
- PARIS, LIMOGES.
12.
Voir page 253
9ème
édition - 1901 -
IMPRIMERIE, LIBRAIRIE ET PAPETERIE MILITAIRE HENRI CHARLES-LAVAUZELLES
- PARIS, LIMOGES.
13.
Voir page 119
14.
Voir page 100 et page 119
15.
Voir page 577 et 578
16.
Voir "DESCRIPTION
DES EFFETS D'HABILLEMENT, DE COIFFURE, DE GRAND ET DE PETIT EQUIPEMENT,
DE PETITE MONTURE, DE PANSAGE ET OBJETS DIVERS A L'USAGE DES CORPS DE
TROUPE" - Ministère de la
Guerre - 15 mars 1879 - IMPRIMERIE J. DUMAINE, Paris 1879 - disponible
sur gallica :
Pour les
corps de troupe dont tous
les hommes sont déjà dotés chacun d'un exemplaire de bourgeron en 1879,
en plus des bourgerons déjà prévus au compte de la masse générale de
corps de troupe pour les services spécifiques (par ex. cuisines) :
type de troupe
dotation
de
chaque homme
masse générale
cuirassiers
page 397
page 401
dragons
page 411
page 415
chasseurs
à cheval
page 423
page 427
hussards
page 435
page 439
chasseurs
d'Afrique
page 447
page 451
compagnies
de cavaliers de remonte
page 459
page 463
régiments
d'artillerie et compagnie du train d'artillerie (brigadiers et soldats
montés ou non montés)
page 474
page 480
régiments
de pontonniers
page 489
page 493
compagnies
d'ouvriers d'artillerie
page 501
page 504
compagnies
d'artificiers
page 513
page 516
régiments
du génie (uniquement les compagnies de sapeurs-conducteurs)
page 527
page 533
escadrons
du train des équipages
page 543
page 548
sections de commis et ouvriers militaires
d'administration (à usage des militaires du service d'exploitation)
page 569
page 570
18.
Voir l'article "DESCRIPTION DES
BOURGERONS" sur ce site, avec présentation illustrée
des deux
modèles : bourgerons et bourgeron-blouse et liens vers les descriptions
de détail officielles.
19.
Voir "JOURNAL MILITAIRE" - 122e ANNEE 1911 - disponible
sur gallica :
voir page 478
n'hésitez
pas à en faire part à l'auteur à l'adresse gvc1418@gmail.com
Article mis en ligne le 8 mai 2014, liens ajoutés le 9 juin 2014, liens mis à jour le 29 mai 2019